Assurance récolte et réduction des phytos : un équilibre à construire
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Introduction
Réduire l’usage des produits phytosanitaires est un objectif majeur des politiques agricoles. Mais cette transition agroécologique expose les exploitants à des risques économiques accrus, notamment en cas de perte de rendement. L’assurance récolte pourrait-elle jouer un rôle de sécurisation ? Ou au contraire freiner la démarche par effet pervers ? Cet article décrypte les liens économiques complexes entre phytos et assurance, en s’appuyant sur les données les plus récentes.
1. Une assurance indispensable dans un contexte de risques accrus
La réduction des phytos expose les cultures à une plus forte pression de maladies et ravageurs. Certaines années, les pertes de rendement peuvent atteindre 10 % du produit brut, bien au-delà de ce que couvrent les MAEC classiques (300 €/ha/an en moyenne).
Des dispositifs pilotes testent des assurances dites « vertes » : elles indemnisent les pertes liées à une stratégie réduite en produits phytosanitaires, sur la base d’un protocole suivi (OAD, seuils IFT). En vigne, 48 à 60 % des exploitants se disent prêts à souscrire. Avec une baisse moyenne de rendement de 10 %, les modèles montrent une nécessité de subvention à hauteur de 1 457 €/ha/an pour couvrir 30 % des pertes.
2. Assurance récolte classique : un effet ambivalent sur les phytos
Les données européennes montrent que l’assurance récolte peut inciter à plus ou moins utiliser de produits phytosanitaires selon les contextes. En France, elle est liée à une hausse moyenne de 6 % des dépenses en phyto, et de 11 % en Suisse.
Pourquoi ? Parce qu’elle rassure l’exploitant, qui peut ainsi maintenir des pratiques intensives. En France, l’effet est intensif (plus de produits/ha), en Suisse extensif (plus de surfaces). Il est donc crucial que les dispositifs d’assurance soient conçus pour encourager des pratiques vertueuses.
3. Assurance « verte » : un levier prometteur mais encore fragile
Les dispositifs d’assurance « verte » sont encore à l’état d’expérimentation, ciblant quelques cultures comme la vigne ou le colza. Leur intérêt ? Sécuriser les pertes de rendement dues à une réduction volontaire des intrants.
En vigne, la réduction d’usage des fongicides pourrait atteindre 45 % avec une assurance verte, sans mettre en péril l’exploitation. Mais ces dispositifs coûtent cher : jusqu’à 1 457 €/ha/an de subvention pour couvrir seulement 30 % des pertes. La viabilité économique nécessite donc une forte mutualisation et un soutien public massif.
4. Limites des aides actuelles et besoin d’innovation assurantielle
Les aides PAC (MAEC) couvrent les surcoûts et pertes de revenus moyens, mais pas les aléas extrêmes. Le manque de réponse assurantielle face aux pertes exceptionnelles est un frein majeur à l’engagement dans des pratiques à bas intrants.
Des outils plus fins sont attendus : intégration de l’IFT dans les contrats, modélisation plus précise des risques sanitaires, mobilisation des OAD, approche territoriale mutualisée. L’objectif : permettre une réduction des traitements sans mettre en danger l’équilibre économique des exploitations.
Conclusion
L’assurance récolte peut devenir un véritable levier pour la réduction des phytos, à condition de revoir en profondeur ses modalités. Les dispositifs classiques peuvent avoir un effet désincitatif, mais les assurances « vertes » spécialisées montrent un fort potentiel, sous réserve de financement public et de pertinence technique.
Pour accompagner la transition agroécologique, il est urgent de développer des outils assurantiels adaptés, incitatifs, et à même de répondre aux nouveaux risques de production.