Biocontrôle : un pari rentable sur le long terme pour les exploitations agricoles
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Introduction
L’agriculture fait face à un double défi : réduire sa dépendance aux produits phytosanitaires tout en maintenant la rentabilité des exploitations. Le biocontrôle s’impose comme une solution alternative prometteuse, mais encore coûteuse à court terme. Peut-il représenter un levier économique viable sur le long terme ? Grâce aux labels, aux marchés premiums, aux aides publiques et à la stabilité qu’il offre aux systèmes agroécologiques, le biocontrôle gagne du terrain. Explorons son véritable potentiel.
Coûts immédiats : un frein à l’adoption massive
L’adoption du biocontrôle s’accompagne souvent de coûts directs supérieurs aux solutions conventionnelles. En culture de fraises, le recours aux larves de chrysope pour lutter contre les pucerons revient à 1 300-1 500 €/ha, contre seulement 150 €/ha pour un insecticide chimique. En grande culture, la lutte biologique contre la pyrale du maïs avec des trichogrammes coûte environ 40 €/ha, proche des produits conventionnels, mais reste perçue comme moins fiable sans valorisation de marché.
À cela s’ajoute une augmentation récente des prix des fongicides et insecticides chimiques (+15 à 20 % en 2023), ce qui réduit progressivement l’écart de coût entre biocontrôle et traitements classiques.
Rentabilité à long terme : des leviers multiples
1. Accès à des marchés à forte valeur ajoutée
Les produits agricoles issus de pratiques sans résidus chimiques répondent aux attentes des marchés d’exportation et aux normes internationales sur les limites maximales de résidus (LMR). Résultat : des débouchés en croissance (+280 % en 30 ans pour les fruits et légumes) s’ouvrent aux producteurs respectant ces exigences.
Le biocontrôle est également une condition incontournable pour obtenir les labels bio, HVE ou "zéro résidu". Ces certifications apportent des primes variant de +100 à +350 €/ha, renforçant la rentabilité des productions engagées dans cette voie.
2. Stabilité économique et performance des systèmes
Les systèmes agricoles intégrant le biocontrôle gagnent en stabilité : les rendements y sont moins volatils, les systèmes moins sensibles aux aléas sanitaires et climatiques. Les exploitations en agriculture biologique, qui mobilisent souvent le biocontrôle, génèrent un excédent brut d’exploitation (EBE) nettement supérieur : 180 €/ha contre seulement 3 €/ha pour des exploitations conventionnelles spécialisées en viande bovine.
Cette résilience économique s’accompagne aussi d’un moindre recours aux intrants, améliorant la marge brute et sécurisant les revenus dans le temps.
3. Des soutiens publics structurants
La France consacre 10 millions d’euros par an à la recherche et développement sur le biocontrôle. Les exploitations peuvent bénéficier de mesures agroenvironnementales (MAEC), qui compensent jusqu’à 106 €/ha les coûts liés aux pratiques alternatives. Le crédit d’impôt pour conversion bio (3 500 €/an) constitue un levier supplémentaire pour ceux qui s’engagent pleinement dans la transition.
Des freins encore significatifs
Malgré ces perspectives encourageantes, plusieurs obstacles freinent encore une adoption massive du biocontrôle.
Un surcroît de travail et une technicité accrue
Les itinéraires biocontrôle demandent un suivi rigoureux : en fraises, la lutte contre l’oïdium nécessite en moyenne 300 % d’interventions supplémentaires par rapport aux méthodes conventionnelles. Le pilotage technique est complexe et demande formation, anticipation et expertise agronomique.
Une rentabilité variable selon les cultures
Certaines filières comme la vigne (notamment en AOP ou HVE) et les fruits rouges bénéficient de valorisations commerciales capables de compenser les surcoûts (+200 à +1 150 €/ha). En revanche, les grandes cultures restent plus exposées : sans label ni débouché spécifique, le surcoût moyen du biocontrôle (+25 €/ha) devient un facteur bloquant.
Une dépendance persistante aux aides
Environ 60 % des exploitations engagées dans le bio ou le biocontrôle s’appuient encore fortement sur les subventions pour maintenir leur équilibre économique. Cette situation pose la question de la soutenabilité à long terme si les aides venaient à diminuer.
Un marché en croissance et des tendances prometteuses
Le secteur du biocontrôle affiche une dynamique forte : +16 % de croissance en 2021 avec un chiffre d’affaires de 274 millions d’euros. Sa part de marché dans les solutions phytosanitaires progresse régulièrement (de 12 % à 13 %) et pourrait atteindre 30 % d’ici 2030.
Les consommateurs plébiscitent les produits durables : 65 % déclarent privilégier ces achats, et le marché des produits agricoles écoresponsables croît de 3,3 % par an depuis 2015.
Perspectives et conditions de rentabilité future
Pour qu’il devienne une norme économique, le biocontrôle devra s’inscrire dans une stratégie globale de transition agroécologique, reposant sur :
- L’innovation technologique (biostimulants, outils de précision)
- L’accompagnement technique massif (réseaux de fermes pilotes, formations)
- La structuration de filières premiums (circuits courts, export, industries agroalimentaires responsables)
- La mutualisation des coûts à travers les coopératives et CUMA
À terme, la hausse des volumes produits devrait réduire les coûts unitaires des solutions de biocontrôle, renforçant leur compétitivité.
Conclusion : rentabilité conditionnelle mais réelle
Le biocontrôle peut devenir une solution économiquement viable pour les exploitations agricoles, à condition de bénéficier d’un cadre propice : débouchés valorisants, accompagnement technique, aides ciblées. Sa rentabilité n’est pas systématique, mais les expériences positives se multiplient. À l’instar d’autres innovations agroécologiques, son efficacité repose sur l’intégration dans un système global pensé pour la durabilité.